La roue de médecine amérindienne est bien plus qu’un objet ou un lieu de cérémonies. C’est une façon de se comprendre, de se relier à la Terre-Mère, une invitation à la méditation, une voie spirituelle vers l’éveil. C’est un formidable moyen d’accéder à une autre compréhension des forces qui régissent l’univers et donc l’humanité.
Pour les amérindiens que je connais, l’homme et Dame Nature ne font qu’un, il n’y a pas de dissociation. C’est là une des clés de compréhension de la roue de médecine. Je t’invite à explorer cette voie avec l’Ouest, période de transformation. L’ouest qui résonne si fort avec ce que nous vivons en ce moment.
Roue de médecine ok, mais de quelle médecine parle-t-on ?
Ce n’est pas la roue de médecine, qui a des propriétés de guérison en tant que telle. Elle est un symbole que les nations indiennes utilisent pour évoquer le pouvoir du Grand Esprit, autrement dit le pouvoir de l’énergie universelle, de la vie.
Le mot médecine vient d’un terme algonquin « mediwiwin« . Il désigne la force ou la puissance.
On peut dire que la roue de médecine est un symbole sacré autant qu’un rituel. Elle s’exprime toujours sous forme de cercles*.
Selon les nations indiennes, on y retrouve 4 points cardinaux plus le centre ou 7 (Les 4 points cardinaux, plus le dessus, le dessous et le centre). Qu’elles soient 5 ou 7 ces voies, matérialisent des étapes de développement spirituel, des voies que nous sommes invités à expérimenter dans notre vie.
Chacune des 4 dimensions est comme un jalon qui guide vers l’épanouissement, vers l’équilibre et la sérénité, et in fine, plus de bonheur. Explorer ces 4 directions, c’est une façon d’aller ton chemin, de marcher à la rencontre de toi-même, de ta nature profonde.
Il existe très peu d’écrits sur la Roue de Médecine. Il y a parfois des interprétations, des couleurs, des animaux de pouvoir différents en fonction de la tribu amérindienne. Peu importe, c’est à chacun de tracer sa propre voie vers la compréhension. La transmission de la sagesse amérindienne est orale et ne se fait qu’entre sachants : guérisseurs, homme-médecine ou femme-médecine. Nous dirions chamane, terme parfois bien inexact, mais ceci est un autre sujet, dont je te parlerais peut-être un jour.
La roue de médecine amérindienne, une invitation à la transformation, à l’évolution spirituelle
Si il y a des personnes qui ont tout compris à l’impermanence, ce sont bien les peuples amérindiens. Pour eux, la transformation permanente est normale.
Nous sommes souvent attachés à notre manière de vivre, à ce que nous possédons, à ne rien changer. C’est aux antipodes de leur manière de voir.
Pour les peuples autochtones, souvent nomades, les possessions sont encombrantes. « Pire » … en Amazonie, tu ne peux rien conserver : le métal rouille, la céramique ou les poteries cassent, le papier est dévoré en quelques mois par l’humidité et les poux de bois, la plupart des essences de bois font les délices des termites, les aliments moisissent …
Par ailleurs, tu trouves tout ce dont tu as besoin juste autour à côté de toi. La forêt est une source de ressources infinies, qu’il s’agisse de t’abriter, de te nourrir, de te guérir, de te déplacer, de t’inspirer.
Le milieu dans lequel tu vis est en évolution incessante. Les forces de la nature, d’Esprit de la Forêt ou d’Esprit du Fleuve, le Grand Esprit régissent tout. Posséder n’a donc pas de sens. Évoluer, être en mouvement c’est être accordé à Dame Nature, c’est la vie tout simplement.
Communier avec la nature n’a pas de sens non plus. L’indien est la nature, ça fait toute la différence.
C’est pourquoi la roue de médecine est aussi une vision du cycle de la vie, comme un chemin de croissance et d’éveil.
Le moment privilégié pour explorer la remise en question est l’automne, la fin du jour, la fin de la vie, autrement dit l’Ouest sur la Roue de Médecine.
La porte de l’Ouest reliée à l’automne, au déclin mais aussi…
à la transformation et au plan spirituel. L’Ouest est relié à l’automne, au soleil couchant, au crépuscule.
L’Ouest est généralement lié à l’élément feu et ce n’est pas un hasard : le feu transmute. Le feu, symbole qui marque la fin d’une résistance et l’ouverture à un état différent, nouveau. C’est ainsi que les Chortis célèbrent le rite du Feu Nouveau **, brûlage des terres que l’on fait à l’équinoxe d’automne, avant les semailles. Quand l’Ouest est lié à l’eau, c’est quasiment pareil. L’eau nettoie, permet la purification.
L’ouest est l’endroit de la transformation, de la transmutation. Les magnifique feuilles de l’automne prennent le rayonnement de leurs couleurs, puis se laissent porter par le vent, pour tomber au sol et se transforment en humus. C’est cet humus qui nourrit ensuite la forêt, qui lui permet de grandir et d’évoluer. C’est la qualité de cet humus qui fait la richesse du sol sur lequel est enracinée la forêt. C’est la manière dont tu transcendes les enseignements de la vie, qui te permet d’avancer.
L’automne est le moment des brouillards, qui brouillent les repères. Les brumes permettent une communication privilégiée avec le monde des esprits. Elles abritent souvent des forces inconnues, parfois inquiétantes, voire terrifiantes. Elles t’invitent à lâcher un peu l’égo, à remettre en cause les certitudes, les schémas établis. Elles te donnent la chance de toucher du doigt, d’intégrer que tu ne maîtrise rien dans ta vie et que c’est bien ainsi.
L’ouest sur la roue de médecine est l’endroit de la mort. Elle sera suivie de la renaissance à l’Est, après être passé par la découverte de qui tu es vraiment au Nord.
Une invite à te débarrasser de ce qui n’a plus lieu d’être, de tes vieilles peaux, de ce que tu as a été mais que tu n’es plus (ou que tu ne souhaites plus être).
C’est le moment pour faire le tri, garder ou jeter. C’est le moment de d’ouvrir la main pour laisser partir ce qui est devenus vieux, sans intérêt, obsolète, ce qui retient pour avancer. C’est une façon de cultiver ta propre richesse intérieure et ta richesse à venir. C’est le temps de la méditation, du lâcher-prise, de la vieillesse. C’est le moment aussi pour avancer, en totale confiance dans l’inconnu en laissant derrière soi tes certitudes, tes a-prioris, ce que tu connais de toi et du monde qui nous entoure. C’est le moment privilégié, pour avancer sans carte, avec ta flamme intérieure pour boussole et ta foi dans la vie, dans l’univers, dans les Esprits de la nature. Quoi de mieux pour développer ta spiritualité ?
C’est un rappel au fait que la vie est parsemée de ruptures, de pertes, d’abandons, de deuils qui permettent d’évoluer. Nous avons tous du quitter le ventre de notre mère pour naître, abandonner notre enfance pour passer à l’âge adulte, puis abandonner le célibat pour vivre notre vie conjugale, laisser partir nos enfants qui prennent leur envol. Parfois, il faut aussi renoncer à un travail que l’on aimait ou au contraire, qui nous ennuyait…. Nous devrons tous quitter la vie et mourir pour que nos âmes passent sur d’autres plans vibratoires.
C’est aussi la direction de la guérison. L’animal totem en est le faucon, animal qui d’élève haut dans le ciel pour voir. Il permet à l’âme du chaman de voyager dans le monde invisible. Il le guide. Avec la médecine du faucon, tu peux prendre de la distance par rapport à toi-même. Tu peux regarder ta vie autrement, remettre en question tes certitudes et t’ouvrir à des horizons nouveaux. Les plumes de faucon aideraient le guérisseur à avoir un meilleur diagnostic de la maladie. C’est intéressant, la maladie est un signal d’alarme qui invite à modifier un comportement inadéquat.
La cérémonie associée à l’Ouest est la cérémonie de la pipe. Après avoir assemblé, puis fumé la pipe sacrée, on va sauter par dessus les braises d’un feu spécial allumé pour la circonstance. Chaque saut sera une demande, adressée au feu, d’être libéré d’une attitude déviante. Par exemple, l’incapacité à écouter l’autre, à assumer pleinement la place que l’on occupe dans ce monde…
« Le serpent qui ne peut changer de peau meurt. » Friedrich Nietzsche
L’automne, le moment de récolter :
En Europe, nous récoltons les fruits à l’automne, pour des réserves bienvenues lorsque la froidure sera là.
C’est bien sûr, à L’Ouest qu’on récolte les fruits ou qu’on les partage en les offrant. Je parle des fruits matériels bien sûr et aussi des fruits immatériels : les récoltes spirituelles de ce que tu as fait, expérimenté, connecté pendant le cycle annuel. C’est ce qui te permet ensuite de nourrir le Nord (période d’introspection et de créativité) que tu pourras semer et faire germer à l’Est. C’est l’occasion de ne garder que ce qui doit l’être – on pourrait dire de laisser se dissoudre les fruits pourris ou abimés – pour nourrir ton propre humus, ta richesse intérieure.
Entrer dans la médecine de l’Ouest, c’est aussi comprendre que la transformation peut être une ouverture, à toi et aux autres. Comment accueillir ce qui vient, si la place n’a pas été faite sur les étagères de ta vie ? Comment ouvrir à ce qui vient si le travail de transformation, le deuil de ce qui doit l’être, n’a pas été fait ? Te débarrasser des boulets, des scories qui pèsent parfois depuis des années, c’est laisser de l’espace pour que le merveilleux puisse arriver jusqu’à toi.
L’Ouest sur la roue de médecine et la blessure rituelle
Dans les rites de passage des peuples premiers, on trouve une blessure rituelle. J’en veux pour exemple le rituel du maraké, pratiqué en Amazonie, durant lequel on passe sur le corps de l’initié des vanneries entrelacées au choix de fourmis, guêpes ou mouches sans raison, si justement nommées.
La souffrance induite n’est pas juste quelque chose qui fait souffrir, pour blesser inutilement. Elle permet l’ouverture, l’abandon à quelque chose qui nous dépasse. C’est, lorsque la personne intègre au plus profond d’elle-même, qu’il faut s’abandonner à la douleur, lâcher-prise qu’elle trouve des enseignements extrêmement précieux.
La blessure rituelle ouvre la voie vers une réalité nouvelle. Elle est initiatique : « les blessures sont le signe que d’anciennes formes sont prêtes à mourir et que de nouvelles formes, totalement insoupçonnées, sont prêtes à naître… »*** malgré toutes les réticences, tous les freins au changement qui peuvent être là. « Lorsque nous nous souffrons et que nous nous sentons abandonnés, peut-être anéantis, il y a, derrière cette souffrance, la présence du sacré, la possibilité de rédemption. Nos blessures nous rendent sensibles à une réalité élargie, non accessible à la conscience routinière et conditionnée »***
C’est bien là un trésor immense que tu peux découvrir. La blessure rituelle ou celle du deuil, mène vers l’attitude de l’ouverture, de l’ouverture à ce que te propose ta vie.
L’attrapeur de vents, objet de pouvoir de la porte de l’Ouest
Acheter un objet de pouvoir tel qu’un capteur de rêves est non seulement dénué de sens, mais est tabou pour les tribus amérindiennes.
C’est en effet, par les rituels sacrés et les méditations qui entourent la fabrication de l’objet de pouvoir que celui-ci prend son pouvoir justement. L’attrapeur de vent, que j’appelle aussi volontiers le bâton de deuil, n’est donc pas un « gadget » plus ou moins chamanique. C’est un chemin intérieur profond qui n’a de pouvoir guérisseur que pour celui qui l’emprunte avec la conscience de ce qu’il fait.
Fabriquer un attrapeur de vent, c’est une façon de faire son deuil de ce qui a été. C’est une belle voie pour enlever son armure, son écorce et confier au vent ce qui doit être dissous.
Le vent est lié à une dynamique de remise en question. Lorsqu’il prend la forme de rafales ou de cyclones, il détruit l’ordre établi.
Faire un attrapeur de vent, est une façon d’entrer en communication profonde, intime avec soi-même. C’est enfin un rituel extrêmement précieux pour faire le deuil d’êtres chers, de situations, de relations, pour laisser partir ce qui doit être transmuté, avec confiance dans ce qui vient, pour faire le ménage chaque année dans sa vie.
Notre civilisation serait-elle à l’Ouest ?…
Nous sommes aujourd’hui dans une sacrée tempête et ce n’est probablement pas fini.
« Pour atteindre l’Ouest et accéder au trésor que nous réserve son gardien, le principal travail consiste à nous arracher à notre univers familier pour nous ouvrir à un autre monde… il s’agit d’être à la nouveauté et d’entrer dans un nouvel ordre des choses, marchant sur ce chemin des ancêtres qui n’est pas tracé d’avance, et qui se déploie sous l’inspiration du souffle du Grand Esprit » »****
Ce que nous traversons en ces temps de pandémie, de changements et de mutations profondes de notre univers, de remise en questions de beaucoup de nos certitudes, est une formidable opportunité de nous ouvrir à un monde nouveau.
La confiance dans l’inconnu, le lâcher-prise de cette sagesse ancestrale de l’Ouest sur la roue de médecine, sont indéniablement des atouts précieux pour traverser et encore mieux, sublimer cette période.
Que la puissance des traditions amérindiennes t’accompagnent pour passer ces temps troublés.
*source : Élan Noir, les rites secrets des Indiens Sioux.
** source : Dictionnaire des Symboles – Jean Chevalier et Alain Gheerbrant
*** source : Psychologie sacrée : l’union avec le bien-aimé de l’âme – Jean Houston
**** source : la roue de médecine amérindienne – Charles Raphaël Payeur.
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